BERNARD LAVILLIERS

« Sous un soleil énorme »

Il y a quatre ans, la chanson Montparnasse-Buenos Aires était encore une promesse non tenue, un voyage rêvé au cœur d’un disque sédentaire dont il constituait l’une des rares échappées. Bernard Lavilliers n’ayant pas pour habitude de laisser en suspens ses désirs d’exils, dès la fin de la tournée de 5 Minutes au Paradis, début 2019, il mettait le cap sur cette ardente Argentine qui lui résistait depuis longtemps, prêt à s’y laisser embarquer enfin. « Je marche seul dans Buenos Aires, je sais que je n’ai rien compris, mais cette odeur m’est familière, comme un secret jamais écrit. » En quelques jours à peine de déambulation en solo, les phrases du Piéton de Buenos Aires, en écho au Piéton de Paris de Léon-Paul Fargue, coulent en cascade. Lavilliers est déjà chez lui, comme toujours, comme partout. Il y séjournera trois mois, le temps de laisser venir à lui cette ville et ses porteños, « fatigués » mais heureux de s’être ainsi trouvé un frère inattendu, le temps aussi de se perdre dans les clubs de la Boca et d’arpenter ces « transversales singulières » à nulle autre pareille en Amérique Latine. Sur place, il enregistre quelques maquettes des chansons écrites à chaud, dans un petit studio de banlieue, invite son clavier Xavier Tribolet à le rejoindre, lui qui est marié avec une Argentine, et ensemble ils troussent un Noir Tango après avoir vu un groupe « avec quatre bandonéons de front, six cordes derrière et un pianiste sur le côté, qui donnait presque dans le Hard Rock. » L’aventure aurait dû se prolonger, Bernard ayant prévu d’y revenir après sa tournée des festivals d’été et un séjour à New York, mais le monde, subitement arrêté et replié par l’urgence sanitaire, en aura décidé autrement. On imagine mal Lavilliers en « distanciel », lui qui aime tant l’accolade, l’échange en direct avec les musiciens, les cafés qui bourdonnent, le feu jamais couvert et la liberté de mouvement, mais il a fallu s’y résoudre.

En s’appuyant principalement sur des compositeurs et réalisateurs qui font désormais partie de sa famille d’esprit, à commencer par Romain Humeau de Eiffel, partenaire choisi depuis Baron Samedi (2013), mais aussi Georges Baux, complice sur ‘Les mains d’or’, entre autres, ou encore Michaël Lapie avec lequel il avait co-signé le puissant Vendredi 13 sur l’album précédent, il aura fait de cette mauvaise fortune le cœur battant d’un disque en rien assigné à résidence, vibrant au contraire d’une soif de vivre, un 22ème album comme si c’était le premier. Avec en tête cette phrase de René Char, « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil », Lavilliers entend bien battre Le cœur du monde comme personne, et Sous un soleil énorme traduit tant les inquiétudes que les épiphanies d’un citoyen sans frontière qui prend le pouls des humains comme il les boxe parfois dans les cordes. Sa voix chaleureuse est un baume trompeur, car ici l’écriture est à vif, narquoise parfois, conjuguant à merveille l’intime et « l’extime », le politique et le poétique, l’ici et « L’ailleurs », celui des multiples ‘Voyages’ mais aussi, anticipé et comme exorcisé, du dernier d’entre eux. Rarement un de ses disques aura autant fait se croiser toutes les vies de Lavilliers. Le Stéphanois revient même sur ses terres, fruit d’une rencontre avec Raphaël et Théo Herrerias de Terrenoire, avec lesquels il a écrit et chanté en duo et en symbiose Je tiens d’elle où, en dépit de la différence d’âge, les sentiments d’attache et « les rêves en sursis » demeurent les mêmes. Mais la nostalgie n’a qu’un temps, et Lavilliers n’a pas le temps de s’y laisser assoupir. Quand il harponne son époque, celle des « petits marquis », des « spécialistes de la rhétorique » qui pullulent sur les écrans, il y a du sang sur les parois. Quand il voit les « connards amnésiques » qui rêvent d’une dictature militaire ici, lui qui revient d’Argentine, le sien ne fait qu’un tour. Sur Beautiful days, chanson oxymore où aux couplets offensifs répondent des refrains ironiquement romantiques, il n’épargne rien ni personne, ni les démagogues de l’opposition ni les arrogants du pouvoir, en bon anar, sans maître ni illusion. Dans Corruption, il chante « s’il te reste encore une portion d’azur, une idée libertaire, une folle passion » et on devine qu’il en est encore pétri comme au premier jour. Musicalement, selon ce savant équilibre qui a toujours été le sien, Lavilliers prouve que la distance n’a pas aboli les échanges les plus fertiles ni ce désir insatiable de croiser les atmosphères urbaines et les ondes tropicales, les rythmiques tendues et les chaloupes charnelles. Le cœur du monde bat selon les cadences d’une cumbia au ralenti, guitares en éventails et congas comme des galops suaves sur la pampa. Sur Voyages et Corruption, les belles cordes arrangées par Romain Humeau et dirigées à Londres par Sally Herbert (The Last Shadow Puppets, Woodkid) dessinent comme un manteau autour de cette voix que rien n’altère, et sur Noir Tango c’est le Quatuor Ebène qui lui donne la réplique aux accents tziganes. Sur L’Ailleurs, composé par Jérome Coudanne de Deportivo et arrangé en délicatesse par Victor Le Masne (complice de Juliette Armanet), ce sont d’autres cordes plus introspectives, en résonnance avec un piano et un chant à nu, qui vibrent au diapason de la beauté poignante de cette ode de l’au-delà. Confiné comme un lion en cage, le Brésil manquait aussi à Lavilliers, et de l’amour croisé pour cette terre d’accueil et pour sa compagne il a tiré ce Toi et Moi adapté de Seu Jorge (Tive Razão). Plus inattendue est cette version d’un titre de Bob Dylan de 63, Who killed Davey Moore? (adapté plus tard en français par Graeme Allwright), l’histoire – vraie – d’un boxeur tué en plein combat. Une tragédie dont son entourage se défausse… Comme sur un ring, Gaëtan Roussel – qui réalise également le titre – Izïa, Eric Cantona et Hervé se succèdent au micro autour de Lavilliers. Une chanson qui résonne ô combien avec le Black Lives Matter d’aujourd’hui. I contain multitudes, chantait le même Dylan sur son dernier album, « j’entends le cœur du monde battre de plus en plus fort, celui des multitudes et de la solitude » répond Lavilliers dès les premières phrases de cet album ample et généreux. Sous un soleil énorme, il est question du réchauffement du climat, forcément, mais aussi des multitudes de possibles qu’une chaleur plus humaine parvient toujours à tirer des déclins annoncés. Les porteños en savent quelque chose.

Christophe Conte

BERNARD LAVILLIERS

BERNARD LAVILLIERS naît le 7 octobre 1946 à Firminy (Loire). À 16 ans, il devient apprenti à la MAS et se met également à la boxe. Il fait un petit séjour en maison de correction suite à quelques larcins. À sa sortie, il commence à travailler. Le travail lui semble insipide, il écrira plus tard « À cette époque de ma vie, je me cherchais : je ne savais pas si je serais gangster, boxeur ou poète… ». Il adhère au Parti communiste en 1963. À 18 ans, à Saint-Étienne, il participe à Nocturne un premier Montage Textes-Chansons créé par la Troupe Duk (dirigée par Pierre-René Massard), aux côtés d’un autre jeune Stéphanois, Alain Meilland (futur co-fondateur du Printemps de Bourges) auquel il participera à de nombreuses reprises.
À 19 ans BERNARD LAVILLIERS part pour le Brésil, d’où il revient à 20 ans. il commence à chanter dans les cabarets, Chez Jacky Scala, rue Lacépède ; on le retrouve aussi à la Cour des miracles à Bordeaux où Gérard Ansaloni fait sa première partie. Il sort en 1967 ses premiers 45 tours. Il obtient le prix de la Rose d’or de la chanson à Montreux avec La Frime. Son premier album sort en 1968, avec en titre son prénom et un énigmatique « Lavilliers » qui deviendra son nom de scène. Pendant les événements de mai 1968, il chante dans les usines occupées de la région lyonnaise. Au mois de juin, il fait la manche en Bretagne. Il exerce plusieurs petits boulots (restaurateur, gérant de night-club…), il se marie en 1970 avec Évelyne. BERNARD LAVILLIERS sort son deuxième album en 1972, Les Poètes et commence à avoir une certaine notoriété, qui se confirme en 1975 avec Le Stéphanois (et le titre San Salvador). La consécration intervient en 1976 avec Les Barbares2. Il passe pour la première fois à l’Olympia en octobre 1977. Il rencontre Léo Ferré, un modèle pour lui, à la faveur d’une tournée commune en 1977 (à laquelle participent aussi les groupes Magma et Gong). Ils deviennent amis. Lavilliers invite son aîné à chanter avec lui à la fête de l’Humanité en 1992. BERNARD LAVILLIERS s’installe à Saint-Malo, achète un bateau et part pour la Jamaïque, puis New York et le Brésil. Il revient en France pour une série de concerts. Les années 1980 sont des années de gloire. Le voyou s’assagit un peu mais reste fidèle à son image de bourlingueur, d’aventurier mais aussi de rebelle.
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